Du trobar ric et de Valence
La note d'aujourd'hui chez Martin Lothar, qui porte sur la ville de Valence, m'a rappelé un poème occitan du XIII° siècle, du trobador Pèire Cardenal. J'aime beaucoup la poésie des troubadors, à la fois pour sa musicalité, et pour les jeux intellectuels qu'elle offre. Les poèmes se classent en général en trois groupes, selon la difficulté du "trobar" (trouver) qu'il représente. On a le trobar lèu, (trouver facile) qui offre une compréhension immédiate et non-ambigue. Puis le trobar ric (trouver riche), dans lequel chaque vers présente deux sens, et le trobar clus (trouver hermétique, fermé) qui peut présenter trois interprétations. Il faut se rappeler qu'on parle ici de poésie chantée, et que la prononciation se prête donc à de nombreux jeux de mots.
Le poème que je vous annoncais relève du trobar ric. Il peut se comprendre à la fois comme une sorte de traité de géographie, ou comme un traité de morale.
Domna que va vès Valenca
Deu enant passar Gardon
E deu tener per Verdon
Si vol entrar en Proenca
Si vol passar la Mar
Pren un tal governador
Que sapcha la Mar major
Que la garde de varar
Si vol tener vers le Far
Ce qui peut se traduire par
"La dame qui va vers Valence, doit d'abord passer le Gardon, et se diriger vers le Verdon, si elle veut entrer en Provence. Si elle veut passer la mer, elle choisit un capitaine qui connaisse la mer majeure (la Méditerrannée, quoi), qui puisse l'empecher de sombrer, si elle veut se diriger vers le phare."
Mais qu'on peut aussi entendre de la façon suivante:
"La dame qui va vers la valeur (morale) doit d'abord dépasser l'avarice (garda don), et se diriger vers le don veritable (ver don), si elle veut entrer en prouesse. Si elle veut traverser l'amour, elle choisit pour la diriger quelqu'un (directeur de conscience?) qui connaisse le grand amour , et qui puisse l'empecher de sombrer, si elle veut aller vers le "faire" (l'acte, en somme :) )"