De ma (non-)judéité
-"Attends, je suis pas juive, moi."
Ma frangine s'est figée, puis elle a éclaté de rire.
-"Pas juive? N'importe quoi.."
Ben non. J'ai beau
avoir des bouts d'ashkénaze du côté de mon papa (et la tronche qui va
avec), et des bouts de séfarade du côté de ma maman (et certains goûts
culinaires qui vont avec), je ne suis pas juive. Parce que ma maman ne
l'est pas. Parce que sa maman ne l'est pas. Etc..
Ou alors, je suis juive par les hommes. Par mon père, par mon grand-père, et d'une toute autre façon, par mon petit frère.
J'ai les blagues, j'ai les références, j'ai les légendes familiales, les déracinés, les diamantaires et les marchands de tapis, les débrouillards, les changements de prénoms, les Isaac, Eliah et Sarah. J'ai les Cohen, les Segura, les Judkind, les Fainberg. L'Espagne du quinzième siècle, la Russie du dix-huitième et l'empire Ottoman. J'ai l'adaptabilité, le rebond -relativement- facile, et un tas de brimborions que je peux raccrocher à ça, ou à tout autre chose, parce qu'au fond, ce serait un peu facile.
Mais je n'ai pas le dieu, la foi, les fêtes, les coutumes, la communauté, l'appartenance. Je n'ai pas l'histoire tragique. Je n'ai pas Israel. Je n'ai pas la bougeotte.
Je suis juive en diachronie, mais pas en synchronie.