Des objets inanimés qui n'en ont pas moins, parfois, une âme.
Alors voilà, mon gros
paradoxe, c'est que j'ai du mal à me passer de causer, mais que
parfois, je ne supporte pas d'avoir des gens autour de moi. D'où
problème,
et éventuellement, quelques solutions un peu batârdes, du genre:
-causer toute seule: il paraît que les gamins de 6 ans font ca
pour se "construire", ou chais pas quoi. Moi, je me suis jamais
arrêtée. Je cause en dormant, paraît-il, aussi. Enfin je crois que je le
fais moins, maintenant, mais en même temps, ca fait longtemps que
personne ne dort plus avec moi régulièrement, donc je peux pas
vérifier, cqfd.
-causer à son chat. Le problème c'est
que mon chat, il vit à plusieurs centaines de kilomètres. Heureusement,
ma maman n'hésite pas à me le passer de temps en temps au téléphone.
Hier par exemple, vu que la pauvre bête sortait tout juste d'une
opération (tumeur cancéreuse, encore une raison d'être triste, tiens),
et était complètement dans les vapes, ma môman a pensé que ce serait un
grand réconfort de m'entendre. Chais pas si ca a marché (môman dit que
si, je suis encore un peu sceptique), mais j'étais contente que
personne d'autre que le chat ne m'entende, quand même.
-causer avec ses plantes vertes. Le gros problème, c'est que je
n'ai plus de plante verte depuis que j'ai fait crever mon rosier en
pot, l'an dernier. Qu'on se comprenne bien, j'ai encore les restes dudit
rosier, mais il n'est plus vert, et l'ouïe, chez les rosiers, ca marche
avec la photosynthèse. NON, je ne l'ai pas fait crever en lui racontant
mes soucis, c'est juste un problème de lumière, de taille de pot, et
aussi ptet paske je suis partie deux semaines en vacances et qu'il n'y
avait personne pour l'arroser. Peut-être. Je dois avoir la main
complètement sourde, pask'elle est pas verte du tout, ma main.
-causer sur internet. En général, la solution universelle. Sauf
que là, par exemple, j'arrivais pas à écrire autre chose que des trucs
amers, ou déprimés, ou pleurnichards, le tout assaissoné de pas-drôle
sauce pas piquante et franchement aigre. Mauvais plan.
La seule solution qu'il me restait, forcément, c'était de causer
avec mon entourage immédiat, tout inanimé qu'il soit. Non, paske chez
moi, faut pas croire, les choses sont assez bavardes. Par exemple, le
micro-ondes et le minuteur qui me houspillent régulièrement (toutes les
minutes) quand je me bouge pas pour venir retirer les nouilles du feu,
ou la pizza (ouais paske mon micro-onde il fait chaleur tournante, ca
le rend pas moins gueulard, mais c'est meilleur pour les pizzas) du
four.
J'ai également de très bonnes relations avec
mon chauffage d'appoint, et l'incessant tic-tac bien régulier de sa
minuterie. Celui-là, il m'enquiquine jamais, contrairement à ses
confrères les convecteurs, qui m'inquiètent un peu quand ils commencent
à faire clonk-clonk quand on s'occupe pas assez d'eux. Faut dire que le
chauffage d'appoint, je crois bien que c'était celui qui était dans ma
chambre, quand j'étais petite. Et desfois, je le fais plus tourner pour
le bruit du tic-tac que pour la chaleur. C'est très régressif, j'ai un
peu honte, d'autant que je suis infoutue de me souvenir d'une berceuse
chantée par ma môman à la même époque.
Un autre habitant de l'appart qui ramène pas mal sa fraise,
c'est le chiotte. Voui, paske je dispose de cette merveille de la
technologie qu'on appelle un broyeur. Et des fois (j'imagine que ca
résulte des opérations compliquées qu'il exécute, et dont je ne veux
rien savoir), dans le broyeur, il y a des bulles d'air. A la moindre
secousse dans l'entourage du chiotte, les bulles d'air remontent. Et
même parfois sans secousse notable, d'ailleurs. BVLOUUUUFFF, ca fait.
Comme ca, d'un coup, sans prévenir. J'ai une ou deux copines qui en
sont restées traumatisées, les pauvres :D Maintenant, je préviens,
systématiquement. Enfin toujours est-il que parfois, le broyeur, quand
il se sent un peu délaissé, il pousse un petit bvlouff discret dans son
coin, pour attirer l'attention, et souvent, je me sens obligée d'aller
lui dire "A tes souhaits", ou "oh ta gueule, toi", selon mon humeur.
Enfin, j'ai assisté il y a quelques mois à une scène poignante,
les dernières paroles de mon sèche-cheveux. N'étant plus capable de
rugir comme il le faisait dans ses jeunes années (avant d'être
terriblement affaibli par une longue et pénible maladie), il avait
choisi les signaux de fumées pour me faire part de ses dernières
volontés. J'ai cru comprendre (mais en même temps, moi, je fais de la
linguistique austronésienne, pas nord-américaine. Les signaux de
fumées, c'est pas tout à fait ma tasse de thé) qu'il me demandait de ne
pas lui racheter de successeur trop vite, et de porter son deuil
convenablement, ce que j'ai fait jusqu'à ce jour. Je suis d'ailleurs en
train de me demander si étant donné nos relations (on était seulement
amis, pas mariés), je suis tenue au "grand deuil", celui qui dure toute
la vie, et si non, si les convenances réclament un an ou trois mois
d'abstinence. Que toute personne au courant de ce genre de traditions
me contacte, s'il vous plait...
Bon, cela dit, des
fois, y a des pièges hein. Par exemple ce matin, mes murs se sont mis à
vibrer et retentir en rythme de gros "boum boum". J'ai bien essayé de
déchiffrer le message profond, avant de me rendre compte que c'était
juste le voisin qui tapait dessus. Sans doute qu'il veut être
ventriloque, je sais pas. Enfin du coup je me suis collé un oreiller
sur la tronche, et je l'ai écouté me sussurrer des mots doux, avant de
me rendormir un peu.
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Les mots sur la musique:
"Ya know I get a funny feeling
Like an epidemic running through my head
Ya know I got that feeling it's the best
Got the Zuton Fever in my head"
Zutons fever, The Zutons.