Des canoés et des demoiselles
Ca fait un
moment que je vous ai pas enquiquinés avec mes préoccupations
d'orientation. Ouais, je sais, c'est pénible, mais en même temps, ca
compte pour une bonne part dans ma vie, surtout en ce moment.
Alors voilà,pour ceux qui ne l'auraient pas encore
compris/déduit/deviné, je suis étudiante en linguistique. J'aurais même
tendance à dire que c'est la dernière année où je suis réellement
étudiante, puisque je devrais entamer ma thèse de doctorat en
septembre. Et puis comme j'aime bien faire des trucs rien-à-voir, j'ai
décidé de ne pas donner dans les trucs bateaux, genre "La virgule chez
Proust", ou tous les trucs à la mode actuellement, comme le traitement
automatique des langues et tout le blabla. Bref historique.
Moi ce que je voulais faire, à la base, c'était des
langues. J'en suis assez vite venue, en sortant de khâgne, à l'idée de
la linguistique comparée. Mais je savais pas dans quel domaine. Je
savais juste que je ne voulais pas rester dans le domaine roman, paske
d'abord, j'avais déjà jeté un oeil inquisiteur dans ce domaine là, et
puis bon, y a déjà tellement de monde en France, qui bosse en
romanistique ou sur le francais... Le même type d'argument m'a poussée
à voir plus loin que les langues indo-européennes, du coup. C'est
étudié depuis très longtemps, en particulier depuis le XIX° siècle. Il
reste du boulot, mais quand même, c'est un peu rebattu. Du coup, je me
suis orienté, un peu sur un coup de dé, vers un prof de la Sorbonne
qu'on m'avait indiqué à Grenoble. Et je me suis pointée devant lui,
sans avoir rien lu de ce qu'il avait écrit, sans savoir sur quoi je
voulais travailler. Il s'est trouvé qu'il bossait sur les langues
austroné*siennes. Moi j'avais aucuuuuuuuuuuune idée de ce à quoi
renvoyait le terme exactement. J'ai pris une semaine pour me
renseigner, et puis je me suis dit, que là, au moins, y avait de quoi
faire, sans trop de concurrence, et sans être trop pris dans des trucs
institutionnels à la con.
Alors voilà. L'an dernier
j'ai fait une espèce de débroussaillage épistémologique et historique
des études austroné*siennes, histoire de savoir où je mettais les pieds.
Et puis cette année, je travaille sur un petit groupe de langues, et
dans une optique plus franchement linguistique.
Si tout se passe bien, ma thèse devrait porter sur une langue
spécifique. Une étude grammaticale poussée, ptet un début de
dictionnaire. Une langue qui n'a pas ou très peu été étudiée,
évidemment. Le genre parlé par une communauté de quelques centaines de
personnes sur une île paumée du Pacifique.
CA, ca
veut dire que je vais partir sur le terrain. Toute seule, normalement,
avec quand même peut être un contact ou deux sur place. Et je dois vous
avouer, en toute franchise qu'en ce moment, je suis dans une période de
flippage-grave-de-sa-mère-qui-tue. Paske je suis pas ce qu'on appelle
une baroudeuse. Déjà je me paume dans mon quartier et je suis
essoufflée quand je monte mes quatre étages, alors vous voyez le
genre...
Remarquez, au départ, mon directeur, il
aurait aimé que je parte aux Célè*bes (Sula*wesi, en Indonésie). J'ai
tout de suite visualisé le truc.
- une femme (pas vieille, en plus, hein)
- une européenne, d'un pays anciennement colonisateur (bon ca aurait pu être pire, j'aurais pu être néerlandaise)
- n'ayant eu que quelques mois pour se familiariser avec l'indonésien
- se ramenant dans le but de venir étudier les petites langues que le régime s'applique à éradiquer par la force depuis la décolonisation.
Je le sentais moyen. Bon après on m'a dit, "Naaaan, mais faut
relativiser, on a des contacts, tout ca". N'empêche, j'étais pas
rassurée, j'ai dit à mon directeur que comme première mission, je
préférais un truc un peu plus cool. Du coup, il a essayé de se rabattre
sur Indri, mais manque de pot, elle, elle va probablement avoir un truc
fun en Nouvelle Calédonie, donc c'est rapé pour lui. J'en suis désolée,
mais je préfere ne pas présumer de mes forces.
Un
autre mec, qui bosse au labo du CNRS qui va financer (je touche du
bois) ma mission m'aurait bien envoyée en Paouasie-Nouvelle Guinée.
C'est fun la PNG. La moitié ouest est tenue par les militaires
indonésiens, on peut pas y poser le pied. La moitié est, on peut y
rentrer, mais bon, vaut mieux pas se promener en ville après le coucher
du soleil, pask'on est pas sûr d'en ressortir entier. Euuuuuuuuuuuuh
ouiiiiii. Non.
Au stade où j'en suis, il me reste une alternative entre
-Van*uatu: pas trop compliqué matériellement,
langue anglais présente, et sinon, y a un pidgin anglo-mélanésien. Une
des plus grandes variétés linguistique du monde, donc y a encore plein
de langues a étudier, mais y aussi déjà des linguistes.
-les îles Salo*mons: plus compliqué sur le
plan matériel, c'est pas super simple d'accès, c'est encore très
sauvage (voyez Lost? Ben un peu pareil, les îles). L'anglais est la
langue officielle, mais à mon avis, vaut mieux apprendre le Pidgin
mélanésien quand même (ca tombe bien, il ressemble bcp à celui de
Vanuatu, je vais faire d'un pierre deux coups). Sans doute plus
intéressant sur le plan "carrière", pask'y a pas trop de linguistes
dans le coin. Donc peut-être la possibilité de devenir LA spécialiste
francaise du coin que j'aurai choisi. Mais évidemment, ca veut dire
aussi être un peu toute seule (sauf qu'il y a ptet quelques ethnologues
qui passent..).
Après, dans les deux cas, j'ai le choix entre
- des langues mélanésiennes, assez complexes, pas toutes étudiées, très diverses
- des langues polynésiennes (qui sont hors de Polynésie, ben oui, c'est comme ca) nettement plus simples, qui se ressemblent un peu toutes, qui sont déjà pas mal connues, et dont l'intérêt principal est que, justement, comme elles sont pas en Polynésie, elles ont été en contact avec des langues mélanésiennes, voire papoues (une toute autre famille), et ca, c'est marrant à étudier (c'est ce que je fais cette année, à vrai dire)
Le truc
qui pourrait faire pencher la balance du côté des langues
polynésiennes, c'est qu'en ce moment, y a un ptit groupe franco
norvégien qui est en train de bosser sur ces fameux outliers
polynésiens. Et donc, si je bosse dessus, bon, je rentre tout de suite
dans un groupe de travail, c'est pas mal.
En même
temps, j'ai peur d'être jugée une bonne partie de ma carrière sur ma
thèse, donc si c'est juste appliquer les résultats d'autres chercheurs
à une langue un tout petit peu différente, c'est un peu dommage.
D'où, dilemme. Et, manque de chance, c'est un dilemme que je ne peux pas trop laisser traîner, paske les premières étapes du dossier pour demander un alloc de recherche, c'est en février.
Je flippe euuh.
Du coup, je regarde sur internet, pour essayer de voir ce qui me plait le plus comme ca, les cultures, les gens, la forme des canoés. Je vous mets l'adresse du site d'un mec qui montre plein de photos du monde entier, et de ces endroits là, en particulier: C'est en anglais, mais en même temps, y a quasiment que des photos :D
PS: si n'importe qui à des infos sur les Salom*ons ou Van*uatu, n'importe quel genre d'infos, je suis preneuse, et plutôt quarante-douze fois qu'une !