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Words, words, words
20 mai 2006

De la lecture dans le métro

    La lecture dans le métro, c'est une échappatoire. Un prétexte pour ne pas avoir à regarder les autres, une façon comme une autre de s'enclore dans un petit monde étanche au reste de l'existence. Pour ne pas avoir à regarder le gars d'en face qui vous mate avec un sourire tordu, la petite vieille qui à l'air, même assise, de vaciller sous le poids du monde, des gens, du bruit ambiant, du mouvement. Pour ne pas subir les conversations débiles de certains voyageurs, ni être tentée de tendre l'oreille aux conversations personnelles d'autres voyageurs (ou bien pour pouvoir les écouter discrètement, à l'abri derrière un rempart de papier). Pour ne pas avoir à regarder le mendiant qui vous débite son boniment pour la trois-cent-douzième fois de la journée, sur un rythme saccadé, comme si les mots, tellement répétés, avaient perdu leur sens. "Comme si", parce qu'évidemment...
    Lire pour ne pas avoir à lui dire non. Il n'est pas dans le livre, de toute façon.
   Lire dans le métro, c'est une façon de ne pas imiter ces parisiens qui tirent la tronche, en silence, le matin, parce qu'ils n'ont même pas eu le temps de se réveiller, de se blinder que déjà, ils sont obligés de partager un mètre carré avec 5 autres personnes. Ca donne une occasion de sourire, ou de rigoler toute seule, quitte à passer pour une extra-terrestre.
    Un bouquin, ça donne une contenance, un support, un point où fixer les yeux, dans ses moments où on évite de croiser le regard des autres, parce que ce sera perçu soit comme une intrusion, soit comme une invitation. Or, éviter le regard de tout le monde sur la ligne 13 du métro parisien un lundi matin à 8h45, j'aime autant vous dire que ça demande des trésors d'ingéniosité. Alors lire, ça épargne au moins le regard de poisson mort, les yeux dans le vide fixé pour la énième fois sur le plan de la ligne, comme si on ne connaissait pas par coeur l'ordre des stations.
  Saint-Lazare, Miromesnil, Champs-Elysées, Invalides, Varenne, Saint-François Xavier, Duroc. C'est marrant, cette capacité qu'a le temps de s'étirer, de traîner, de transformer dix pauvres minutes en calvaire, uniquement parce que vous ne savez pas où poser le regard, et que fixer votre propre reflet dans la vitre (au moins, on sait comment il réagira, lui), ça vous donne un l'air de zombie ultra-narcissique. (Et puis faut supporter de se fixer dans les yeux pendant 45 minutes le matin).

    Alors bon, c'est soit lire, soit fermer les yeux. Mais fermer les yeux, quand on n'a pas trouvé de place assise, c'est casse-gueule. Et puis il faut les rouvrir à chaque station, ou alors on risque de s'endormir. Pas la meilleure solution.
  Alors va pour la lecture. Ca permet de rentabiliser les interminables temps de trajets en commun, pour bosser, ou finir un bouquin qu'on doit rendre le lendemain-dernier-délai à la bibliothèque. Et puis je ne vais pas mentir, certains jours, les bouquins, je les embarque en partant, non pas dans l'idée de foutre le monde à la porte de mon cerveau, mais tout simplement parce que je n'arrive pas à les lâcher après le petit-déj.
    Et puis quand même, des fois, les livres, ca fait des liens, dans les transports en commun. J'ai toujours envie d'aborder les gens qui lisent un bouquin que j'ai beaucoup aimé. De les rencontrer ptet, ou de les connaître, même. (Ceux qui lisent des bouquins que je n'ai pas aimés, j'ai aussi envie de les aborder, pour leur conseiller autre chose, remarquez :D)

    J'ai des jours-à-lecture dans le métro, et des jours sans. Des jours où je me sens d'humeur à voir les gens, à regarder les bébés dans les yeux, à admirer les filles magnifiques, à repérer les gars qui pourraient me plaire, à plaisanter avec les autres sardines de la boîte sur le charme et la chaleur humaine de la ligne 13, à rigoler paske des jeunes font les cons à côté de moi, et que je les trouve délicieusement lumineux (les jours-à-lecture, en général, les mêmes, je les trouve chiants comme la mort).
    Les jours avec lecture et les jours sans se répartissent à peu près équitablement. Au final, je ne déteste pas tant le métro que ce que je pensais en arrivant à Paris, il y a un an et demi. Même si je me rends compte que cette intrusion permanente du reste du monde (enfin de Paris, ce qui fait encore beaucoup beaucoup de gens) dans mon espace au moindre déplacement, ça pèse très lourd dans mes moments de déprime parisienne.
    Je réalise juste qu'avoir recours à la lecture, ça me change pas tellement, finalement. Ca me déprime un peu, à vrai dire.

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Les mots sur la musique:

"Je finis ma nuit
Sur la barre d'appui,
Sauf si l'on prend mon pied
Pour un vieux papier.
Dans les courbes, les chromes
Aimantent les mains,
Mes doigts meurent sous la paume
De mon prochain."

Dans les transports, Thomas Fersen

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Commentaires
C
Mlle Moi a dit: "Coco: ouais. Sauf que ton ordi, tu peux pas le manier d'une main, pendant que l'autre se cramponne à une barre pour ne pas tomber :D"<br /> <br /> Chiche!
M
You, je t'adore :)
Y
Pour prendre la même ligne au mêmes heures mais dans l'autre sens, j'ai tenté par solidarité de lire "À Rebours" à l'envers. J'ai laissé tombé juste après : "Riopse lieiv ud xuanaf stnalosnoc sel sulp tnerialcé'n euq tnemamrif nu suos, tiun al snad, lues euqrabme's"...
M
Ab6: ouais, je suis une warrieuse (une warioresse? je sais tjs pas)<br /> <br /> Prof chaos: oh merci, vraiment, tu es fort généreux :)
P
Nan mais je te donne le droit de l'utiliser, mais c'est juste que c'est ma mienne... (et ne jouons pas sur les mots)
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